Mod’Art International : la parole est aux professeurs (II)
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Après
Fashion United : Comment êtes-vous arrivé à l’enseignement et quelle est votre fonction chez Mod’Art Paris ?
Christian Poulot : Cette rentrée, je suis dans ma huitième année d’enseignement chez Mod’Art. Tout de suite, je leur ai proposé un cours transversal sur la communication. A l’époque le sujet était balbutiant. Mon but était d’étendre le champ du créateur de mode. Le cours s’intitule « Création numérique et communication visuelle » et concerne les trois année d’enseignement. Il s’agit de donner des outils aux étudiants sur l’image de marque, l’aspect visuel dans leur champ de création, de maîtriser les réseaux sociaux. J’enseigne aussi à l’IFM (Institut Français de la Mode) sur les mêmes thématiques. Au total je donne une vingtaine d’heures de cours par semaine.
Est-ce nouveau de parler de communication dans l’enseignement de la mode ?
Il y a huit ans, ce terme était peu présent dans les écoles de mode. A l’inverse des pays anglo-saxons où les écoles utilisent depuis une dizaine d’année des logiciels de mise en page, créent leur propre journal, en France l’extension du champ de création du créateur de mode à la communication n’est présent que depuis une poignée d’années. Il y a le même écart encore aujourd’hui entre la Fashion Week de New York et celle de Paris où la première a une couverture médiatique gigantesque sur le Net contrairement à la seconde. Nous avons encore quelques efforts à faire au niveau technologies de la communication.
Quel est l'accueil des étudiants ? Quelle réflexion menez-vous ?
Mon but est de faire de la communication une partie intégrante du cursus chez Mod’Art. Aujourd’hui, on ne peut pas passer à côté de cela. Nous vivons dans un monde noyé par un flot hystérique de photos. Il faut apprendre à maîtriser cela. D’ailleurs j’introduis mon cours en parlant d’Hedi Slimane qui contrôle tout l’impact visuel d’une marque pour mieux la contrôler, comme avant lui Tom Ford l’a fait ! Dans une industrie de la mode qui est majeure, il faut prendre conscience du pouvoir de la communication, du caractère hautement concurrentiel de ce secteur. Il faut savoir mettre en avant un discours différenciant qui passe du logo de sa marque, au choix des mannequins et jusqu’à sa page Facebook. Les étudiants apprécient ce cours et les échanges qui en découlent. D’ailleurs, la création de mon blog « Le Modalogue » est venue de là. C’est un médium qui me permet d’échanger encore plus avec eux. Rien que le nom est un mot valise qui rassemble les mots mode et dialogue. Il me permet d’imbriquer encore plus mes activités professionnelles et mon travail chez Mod’Art.
Justement, est-ce important d’être en lien avec l’industrie de la mode quand on enseigne ?
Complétement ! Le lien entre les deux est indissociable. A Mod’Art c’est même une conditions sine qua non de l’enseignement. Nous sommes avant tout des professionnels et nous sommes là pour partager notre expérience. Il faut immerger les étudiants dans la réalité, dans notre quotidien. Je suis même parfois rabat-joie à toujours leur répéter qu’il n’y pas que le style dans la mode et à vouloir leur faire découvrir d’autres professions.
Selon vous, les cursus d’apprentissage d’une école de mode ont-ils encore des efforts à faire ?
Je crois qu’il serait bon de supprimer la hiérarchie pyramidale qui va du prof vers les élèves. Nous sommes là pour enseigner mais les étudiants sont aussi à même d’apporter beaucoup de choses. Ils ont une ouverture sur le monde énorme, accès à un flux d’informations continus et il me semble bien d’avoir cette humilité envers eux. Je trouve aussi qu’il y a trop de linéarité pédagogique. Il faudrait être plus modulable, avoir plus de choix de modules. Mettre en commun plus de choses. N’oublions pas que nous sommes entrés dans la Sharing economy (l’économie du partage) !
Que pensez-vous des écoles de mode aujourd’hui, en avez-vous fait une ?
Pour ma part, je suis diplômé d’Esmod Paris en Stylisme modélisme costume de scène et j’ai suivi une formation de moulage à l’Ecole de la chambre syndicale de la couture parisienne. A propose des écoles de mode aujourd’hui, je trouve qu’elles sont loin de toute se valoir. A Mod’Art nous sommes plutôt bien lotis. C’est une structure à taille humaine et qui souhaite le rester. Il y a une atmosphère familiale. Cela est important car beaucoup d’écoles oublient que la mode est avant tout un métier de passion. Et la plupart font passer le business avant la passion.
Céline Vautard
Photos : Self portrait de Christian Poulot
Salles de cours et travaux Mod’Art International