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Le lin s’expose au Palais Royal

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Le ministre de l’agriculture Stephane Le Foll n’aurait manqué cette inauguration pour rien au monde. Il faut dire que l’ensemble a du panache : imaginez donc 2000 mètres carrés tapissés de lin au cœur du Palais Royal. Un véritable champ de lin

en pleine floraison, et un autre après la coupe, livré par 12 semi-remorques dans la nuit du samedi au dimanche. Une exposition grandiose voulue par la Confédération européenne du lin et du chanvre et par son président Alain Blosseville, et qui permettra au grand public de découvrir les merveilleuses applications de cette fibre aussi ancienne que l’humanité et dans laquelle sont contenues des promesses d’innovation à venir.

Car
le lin est un trésor ! Tout d’abord on lui doit la naissance de bien jolis mots, frais et délicats, comme « linge », « linceul », « lingerie », « crinoline ». « Toilette » lui-même viendrait du mot français « thieulette » qui est un lin léger, et certains historiens prétendent avec force que le nom de « Belgique » provient du celte « Belc’h » sous lequel on désignait la graine de lin.

Ensuite le lin est un spectacle. Un spectacle éphémère, attachant et subtil qui annonce la démission du printemps et le triomphe de l’été. La semaison se déroule à la fin du mois de février dans une terre finement préparée pour accueillir une racine pivot exigeante et gourmande. Cette terre l’attendait depuis 5 ans, car elle s’était reposée en faisant pousser la betterave, la pomme de terre, le blé, le colza ou l’escourgeon. Cette racine grandit vite: plusieurs centimètres par jour et le 15 juin, c’est désormais une belle plante qui vient d’atteindre sa taille adulte (plus d’un mètre) : c’est le moment qu’elle choisit pour ouvrir ses fleurs qui ne vivront qu’une journée. Sur le bord de la nuit amincie, aux premières lueurs de l’aube, les pétales dévoilent une couleur imprévue : un délicat bleu de pastel. Quand l’astre atteint son zénith, un vieillissement brusque les foudroie et l’après-midi, le déclin est terminé, les pétales sont tombés. Des fleurs nouvelles s’ouvriront le lendemain et chaque soir, pendant deux longues semaines, sous un ciel crépusculaire, le champ se voilera d’un tapis aux couleurs de l’azur et des fonds marins.

Si cette poésie bucolique ne vous émeut pas, le citadin soucieux d’écologie sera certainement plus sensible à un bilan environnemental remarquable. C’est bien simple : le lin est le champion des fibres écologiques. Pendant sa croissance au champ, un tracteur suffit et la nature fait le reste : le soleil parfois timide et pudique du nord suffit à lui procurer l’énergie nécessaire tandis que la pluie couvrira tous ses besoins en eau. C’est une culture de rotation qui rejette peu de phosphates et de nitrates, un véritable puits de carbone : un hectare de lin retient chaque année 3,7 tonnes de CO2 ; c’est un avantage « vert » important. Disons donc simplement que le lin demande 5 fois moins d’engrais et de pesticides que le coton.

De plus, le lin ne produit pas de déchets : toute la plante est utilisée. Son huile servira par exemple à la confection du linoleum (qui lui doit d’ailleurs son nom), ses graines riches en omega 3 serviront à l’alimentation et de puissants développements industriels permettent désormais d’utiliser le lin non seulement dans la fabrication de textile, de ficelle et de papier (saviez-vous que le dollar US était en grande partie constitué de lin européen pour ses qualités de robustesse et de souplesse ? ) mais ce n’est pas tout : ses fibres courtes (qu’on appelle les étoupes) seront aussi utilisées pour la fabrication de sous toitures, de coques de l’iphone 4, de raquettes de tennis, de kayaks, de pare-chocs de voiture pour ne citer que ces quelques exemples pittoresques parmi de nombreux autres.

Enfin le lin textile a une histoire superbe : si tumultueuse qu’elle nécessiterait de longs développements pour être parfaitement appréciée. Esquissons un portrait rapide en évoquant simplement les derniers voyages des pharaons, les strings de Cléopâtre « aussi blancs que le lait », les voiles de la flotte d’Alexandre Le Grand, les 19 versets de l’Ancien Testament célébrant sa pureté, la Gaule décrite par Plaute comme « recouverte de champs de lin », la passion de Charlemagne pour cette plante (au point d’en imposer la production et la consommation à chaque famille du royaume), la tapisserie de Bayeux, trésor de l’humanité. Citons également son développement dans les Flandres, la Bretagne et l’Anjou au XIIIe siècle, l’invention de la batiste par un tisserand de Cambrai, la crinoline à base de crin de chevaux, l’ apogée au XVIIe siècle quand il fût la fibre des Rois : la Cour de France où les chainses (chemises), les collerettes et les jarretières sont en lin le plus fin, la surenchère de fraises démesurées à la cour d’Espagne. 300 000 hectares étaient alors cultivés en France, mais Louis XIV, en révoquant l’édit de Nantes priva du même coup la France du savoir-faire des Huguenots qui ne se firent pas priés pour gagner des contrées plus accueillantes, enfin il faut citer la grosse colère de Napoléon contre l’Angleterre et son insolente importation de coton.

Le
coton, voilà l’ennemi. Le coton qui se prête si bien à l’industrie du XIXe siècle tandis que la filature du lin nécessite des machines coûteuses pour fibres longues. De plus, la culture et la transformation du lin nécessitent une main d’œuvre importante, qualifiée et locale. Le déclin fut donc foudroyant : la production française n’était plus que de 20 000 ha avant 1945.

Le déclin du lin est maintenant terminé. Grâce à de nouvelles variétés et de puissants perfectionnements agricoles et industriels (qui ne retranchent en rien sa noblesse), le lin est de nouveau au cœur de l’innovation textile grâce au savoir-faire des filateurs et des tisseurs européens qui en ont renouvelé les touchers, les finitions, les enductions et les reliefs. D’ailleurs, la Chine nous achète sans discuter 80% de notre production.

L’un des grands architectes de ce renouveau est la confédération européenne du lin et du chanvre européen qui fut fondée en 1951 : un Lieu de réflexion et de concertation pour 10000 entreprises européennes. Cette confédération – avec sa plateforme de promotion baptisée CELC Masters of LINEN- a réussi à favoriser la compétitivité et l’innovation sans pour autant galvauder le prestige de ce noble textile et sans perdre de vue ses immenses qualités écologiques. Son directeur de la communication est Alain Camilleri, il est aidé de professionnels passionnés comme par exemple Marie-Emmanuelle Belzung : ensemble, ils ont réussi à ressusciter au sein de la planète mode le souffle du désir pour la plus vivante des fibres naturelles.

Car le lin a de merveilleuses qualités qu’on ne connait pas toujours ou qu’on a parfois oubliées.

Parmi ses nombreuses vertus, citons la plus enviable : le lin est bon pour la santé. C’est un « anti-stress » qui diminue la température et la tension musculaire de son heureux porteur. Il est même scientifiquement reconnu que le sommeil est plus réparateur dans des draps de lin. C’est un isolant naturel qui apporte de la fraicheur en été et qui réchauffe agréablement en hiver. Pourquoi ? Parce que ses longues fibres, non seulement isolent et emprisonnent l’air mais possèdent également un puissant pouvoir d’absorption de l’eau. Cette propriété vient des « pectines » qui sont des composés qui associent les fibres entre elles. On retrouve ces « pectines » dans les textiles en lin ce qui leur confèrent un caractère « vivant » puisqu’elles peuvent réguler la température. Elles se gorgent d’eau ou en libèrent selon les conditions climatiques sans provoquer de sensation d’humidité au toucher. De plus, comme un textile en lin régule plus rapidement les écarts de température, il ne provoque pas d’irritations à la différence des textiles synthétiques. Il a été prouvé que des médications effectuées à l’aide de tissu de lin accélèrent la guérison de certaines maladies de peau. Une serviette de toilette en lin n’irrite jamais car le lin est doté de propriétés antiallergiques et antibactériennes. Enfin, comme le lin absorbe la transpiration, je vous laisse deviner le merveilleux avantage olfactif que l’on peut en tirer dans le commerce des baskets.

La confédération européenne du lin et du chanvre a ouvert un showroom à Paris dans lequel les créateurs peuvent trouver une « matériauthèque », une « filothèque » et une « tissuthèque », mais aussi un accompagnement à la création, une aide au « sourcing » (c’est le mot professionnel pour dire l’approvisionnement) et des cahiers de tendances. Un endroit parfait pour permettre à tous d’apprendre ou de réapprendre les vertus magiques du lin, et de faire connaissance avec ces nouvelles possibilités et ses nouveaux mélanges. Parmi ces merveilleuses nouveautés, citons tout d’abord la Maille en lin qui allie toutes les qualités du lin, sa douceur au toucher, son confort, sa brillance, mais qui ne se froisse pas. Cette maille permet au lin de se faire une place de choix dans nos vestiaires d’intersaison, au printemps ou en automne. Il faut citer aussi le lin d’hiver, qui mélangé avec de la laine, du cashmere ou de la soie fait une superbe percée chez les tisseurs.

Toutes ces qualités sont à découvrir au Palais Royal jusqu’au 9 juin prochain. L’exposition Lincroyable Récolte à Paris, est ouverte au grand public de 9h à 19h. L’Accueil est fait par une équipe permanente d’agriculteurs français, belges et néerlandais.

Hervé
Dewintre

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