A contre-coeur, Pierre Cardin rend les clés de... l'Espace Pierre Cardin
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Le 31 mars, Pierre Cardin rendra "à contre-coeur" à la Mairie de Paris les clés de la salle de spectacles qui porte son nom : elle accueillera à partir de fin 2016 une partie des spectacles du Théâtre de la Ville en travaux. Depuis un demi-siècle, le couturier et mécène présidait aux destinées de l'Espace Pierre Cardin, l'un des hauts lieux de la vie artistique et mondaine parisienne des années 70 et 80, à deux pas des Champs-Elysées.
A 93 ans, Pierre Cardin tourne la page à contre-coeur : la concession dont il bénéficiait depuis 1970, reconduite systématiquement, n'a pas été renouvelée par la Mairie de Paris. "Anne Hidalgo lui a annoncé directement. Il regrette cette décision qui l'attriste et en prend acte à contre-coeur", indique-t-on dans son entourage. Propriétaire des murs de l'Espace Cardin, la Mairie de Paris cherchait un point de chute pour le Théâtre de la Ville qui fermera provisoirement ses portes pour travaux fin 2016. Pendant les deux ans du chantier, l'institution parisienne va donc investir l'Espace Cardin. Après 2018, les lieux, protégés comme salle de spectacles par une ordonnance de 1945 comme tous les théâtres, conserveront leur vocation. "Des mises en concurrence seront lancées pour sélectionner les futurs gestionnaires", précise la Mairie de Paris. Avec les débuts au théâtre de Gérard Depardieu avec Delphine Seyrig en 1971 dans "La Chevauchée sur le lac de Constance" mis en scène par Claude Régy, les premiers spectacles en France de Bob Wilson, les adieux de Marlène Dietrich, l'ancien "Théâtre des Ambassadeurs" transformé par Pierre Cardin en lieu artistique, a connu son heure de gloire sous la houlette du couturier, féru de culture.
Tout-Paris culturel
"Mécène d'artistes de grande envergure et de débutants, Pierre Cardin, artiste et visionnaire, a cherché sans cesse des formes d'art à développer et à consacrer", souligne Jean-Pascal Hesse, collaborateur du couturier et auteur d'un livre (Editions Gourcuff) sur les belles années de l'Espace Cardin. Le théâtre comprend un théâtre à l'italienne de 673 places, un cinéma de 450 fauteuils et des salles d'exposition de 1.200 m2.
Jusqu'au milieu des années 80, ce lieu a contribué au renouveau théâtral, en accueillant notamment des mises en scène de Bob Wilson, Pasolini ou Jean-Louis Barrault, des spectacles de Marcel Marceau, Jean-Claude Brisville, Carolyn Carlson et Marie-Claude Pietragalla, des récitals de Dionne Warwick, Shirley Bassey et Alice Cooper, tandis que le restaurant recevait le Tout-Paris culturel. En 1971, Pierre Cardin a monté "Le Regard du sourd" de Bob Wilson, une pièce événement de plus de 7 heures. "J'ai produit des textes de Cocteau, Sarraute, Duras, Handke... J'ai misé sur la créativité et pas sur les stars à tout prix. Marlène Dietrich m'a fait perdre de l'argent. Certains dépensent leur argent au jeu, dans de belles voitures ou des avions. Moi, c'est dans une scène de théâtre!", avait expliqué le couturier.
L'Espace Cardin a aussi accueilli de nombreuses expositions dont pour la première fois les gouaches de Fernand Léger, ou les sculptures de Miguel Berrocal. En 1973, Depardieu est de retour avec la pièce "Home", dans une adaptation de Marguerite Duras, avec Michaël Lonsdale. Ces dernières années, l'aura de l'Espace Cardin s'était ternie et la programmation était épisodique. Selon Jean-Pascal Hesse, "les spectacles qui ont illuminé l'Espace Cardin surtout dans sa première période, ne verraient plus le jour, car trop coûteux". "Si c'était à refaire ? Sans l'ombre d'une hésitation, je signerais de nouveau. Immédiatement!", confie aujourd'hui Pierre Cardin. "L'art est ma passion. C'est un accompagnement de toute ma vie". (AFP)